Titre original: Delayed Postoperative Hemorrhage Complicating Major Supramesocolic Surgery Management and Outcomes

Type: Etude rétrospective.

L'hémorragie postopératoire est l'une des complications graves après chirurgie de résection sus-mésocolique. Elle fait généralement suite à des résections gastriques ou pancréatiques et concerne le plus souvent les branches du tronc cœliaque ou de l'artère mésentérique supérieure. Les hémorragies qui surviennent dans les 24 heures suivant la chirurgie sont généralement dues à un problème technique per opératoire. Une reprise chirurgicale précoce permet de de traiter efficacement le saignement. Les hémorragies tardives (qui surviennent au delà de 24 heures) sont souvent dues à une érosion des vaisseaux par du liquide pancréatique, biliaire ou digestif et sont plus difficile à contrôler. Le traitement repose sur la chirurgie et/ou la radiologie interventionnelle. Néanmoins, les indications, les stratégies et les résultats de la prise en charge d'une hémorragie retardée compliquant la chirurgie sus-mésocolique restent à définir.

Dans cette étude, Devant et al. ont tenté de répondre à cette problématique en analysant les résultats du traitement des hémorragie tardives après chirurgie sus-mésocolique dans le CHU de Grenoble en France.

Objectif

L'objectif principal de ce travail a été d'évaluer les résultats de la prise en charge de l’hémorragie postopératoire tardive, en utilisant une stratégie multimodale combinée, après chirurgie sus-mésocolique majeure.

Méthodologie

Il s’agit d’une étude rétrospective réalisée au département de Chirurgie Digestive au Centre Hospitalier Universitaire Grenoble de 2005 à 2019. Ont été inclus les patient adultes ayant eu une hémorragie postopératoire retardée après chirurgie sus mésocolique majeure. L'hémorragie a été définie par l'extériorisation de sang par les drains postopératoires ou par le tube digestif. Les patient qui ont eu un saignements dans les premières 24 heures suivant la chirurgie ont été exclus.

Pour la prise en charge, les patients avec une instabilité hémodynamique étaient opérés en urgence. Si le saignement n'est pas identifié, une angiographie était discutée, et réalisée systématiquement si l'instabilité hémodynamique persistait. Pour les patients stables, une angio-TDM était réalisée. Si la source du saignement était identifié, une angiographie avec radiologie interventionnelle (embolisation ou stent) était réalisée. Si la source du saignement n'est pas identifié, un geste de radiologie interventionnelle sur le vaisseau le plus probablement en cause était discuté en multidisciplinaire. Une chirurgie était indiquée en cas d'installation d'une instabilité hémodynamique.

Le critère de jugement principal a été la récidive du saignement et la mortalité.

Résultats

Au cours de la période d'étude, 57 patients ont été inclus. Il y avait 45 (79%) hommes et l'âge médian était de 64 ans [56,2 - 68,7].

La procédure primaire était la transplantation hépatique chez 24 patients (42%), la résection pancréatique chez 26 (46%) patients et autre chez 7 patients. Le diagnostic initial a été un cancer pancréatique (n = 29), un cancer gastrique (n = 4) et une maladie hépatique en phase terminale (n = 24) compliquée par un carcinome hépatocellulaire chez 7 patients. Une fuite externe bilio-pancréatique et/ou digestive a été associée chez 41 (72%) patients.

Le délai médian entre l'intervention primaire et le premier épisode hémorragique était de 13 jours [8 - 23].

Reprise chirurgicale

La chirurgie d'urgence a été le traitement d'emblée de 19 (22%) épisodes de saignement. La cause du saignement a été identifiée dans 14 cas et l'hémostase chirurgicale a été assurée. La chirurgie n'a pas permis de révéler la source du saignement dans 5 cas ; l'hémostase a finalement été assurée par la radiologie interventionnelle (n = 3), une réintervention (n = 1) et s'est résolue spontanément (n = 1). Sur les 19 épisodes d'hémorragie pris en charge par la chirurgie d'emblée, 4 (19 %) décès et 6 (32 %) récidives d'hémorragies ont été notés.

Evaluation par TDM

L'évaluation hémodynamique du patient a permis une évaluation d'urgence par tomodensitométrie dans 65 (76%) épisodes hémorragique. Dans 41 cas, un blush a été enregistré sur la phase artérielle et une angiographie a été pratiquée chez 31 patients, tandis que 10 cas ont été opérés immédiatement en raison de la détérioration de l'hémodynamique.

L'angiographie a confirmé la présence d'une fuite vasculaire dans 25 des 31 cas, et un traitement endovasculaire a été entrepris dans tous ces cas. Quatre des 6 patients chez qui l'angiographie n'a pas confirmé le blush à la TDM ont reçu un traitement radiologique prophylactique. Le risque de décès était plus élevé lorsque le saignement mis en évidence par le blush au scanner était traité par chirurgie que par angiographie (60 % (6/10) contre 19 % (6/31), p = 0,03), tandis que les taux de récidive de saignement étaient similaires (20 % (2/10) contre 29 % (9/31), p = 0,88).

Aucun blush n'a été enregistré sur le scanner dans 24 épisodes. Une exploration chirurgicale a été pratiquée dans 3 cas en raison d'une détérioration ultérieure de l'hémodynamique. L'un d'entre eux a eu un nouveau saignement et aucun n'est décédé. Dans 7 cas, une angiographie a été réalisée et a révélé 2 fuites vasculaires traitées par la pose d'un stent. Dans 3 cas, un traitement radiologique prophylactique a été effectué sans preuve de fuite. Aucun de ces 5 épisodes traités par radiologie interventionnelle n'a entraîné le décès ou un nouveau saignement.

Finalement, aucune intervention d'hémostase n'a été entreprise dans 16 cas. Cela a conduit à 10 (63 %) récidives de saignement et à 2 décès.

Résultats liés au type de traitement

  • Dans 13 cas (15 %), la gestion proactive n'a pas permis de contrôler l'hémorragie. L'échec du contrôle des saignements a été enregistré dans 9 (28%) des 32 épisodes gérés par la chirurgie, et dans 4 (11%) des 41 épisodes gérés par la radiologie interventionnelle (p = 0,14). Les échecs de la chirurgie ont été gérés par l'observation (n = 3), la radiologie interventionnelle (n = 4) et la reprise chirurgicale (n = 2).
  • La source du saignement n'a pas pu être identifiée dans 26 épisodes de saignement sentinelle. Parmi eux, 10 ont fait l'objet d'interventions endovasculaires prophylactiques ciblant la source de saignement la plus probable, tandis que 16 ont fait l'objet d'une surveillance. La prise en charge endovasculaire prophylactique a entraîné des taux de récidive plus faibles par rapport à la surveillance (n = 2 ; 20 % vs n = 11 ; 69 %, p = 0,042).
  • Dix-huit patients (32 %) sont décédés au cours de la période postopératoire, et tous les patients (100 %) ont présenté des complications graves (Clavien > 3).

Commentaires

Il s'agit d'un travail très intéressant qui a analysé les résultats de la prise en charge multimodale des hémorragies tardives après chirurgie sus-mésocolique majeure. Le premier constat est qu'il s'agit d'une complication grave avec des taux de morbidité et de mortalité élevés. Le deuxième est que la prise en charge est complexe à cause des différents modes de présentation de l'hémorragie, surtout dans les situations ou la source du saignement n'est pas identifiée. Dans ce travail, la source du saignement n'a pu être identifiée que dans 1/3 des cas. Les auteurs défendent par leurs résultats de réaliser un geste de radiologie interventionnelle prophylactique sur la source de saignement la plus probable.

Les principales limites de ce travail sont  sa conception rétrospective, la cohorte hétérogène de petite taille, ainsi que L’inclusion de patients avec des procédures différentes ne permettant pas de tirer des conclusions spécifiques. Néanmoins, il est difficile d'imaginer la réalisation d'un essai randomisé sur la question et des travaux comme celui-ci sont précieux pour avancer dans la prise en charge de cette complication.

Références

  • Devant E. et al. Delayed Postoperative Hemorrhage Complicating Major Supramesocolic Surgery Management and Outcomes. World J Surg (2021) 45:2432–2438
  • Yekebas EF et al. Post-pancreatectomy hemorrhage: diagnosis and treatment: an analysisin 1669 consecutive pancreatic resections. Ann Surg (2007) 2 46:269–280
  • Floortje van Oosten A. et al. Diagnosis and management of postpancreatectomy hemorrhage: a systematic review and meta-analysis. HPB (2019) 21:953–961
  • Khalsa BS et al. (2015) Evolution in the treatment of delayed postpancreatectomy hemorrhage: surgery to interventional radiology. Pancreas (2015) 44:953–958

Résumé fait par:

  • Dr Houmada Amina (Résidente en chirurgie. Institut National d'oncologie, Rabat).
  • Dr El Hassouni Reda (Résidente en chirurgie. Institut National d'oncologie, Rabat).