Impact financier du syndrôme de résection antérieur sur les survivants de cancer rectal

Par Dr Bouazizi Yassin

Contexte

De nombreuses études de cohorte internationales ont démontré que les patients suivis pour cancer supportent une charge économique annuelle excessive [1]. Cela a été démontré chez les patients suivis pour cancer colorectal, où une étude récente a estimé qu'environ 40 % des patients ont subi un stress ou des problèmes financières liés au cancer [2]. Les patients traités pour cancer du rectum méritent une attention particulière en raison des problèmes spécifiques de maladie et du traitement, essentiellement l'impact de résection rectale sur les résultats fonctionnels. En effet, la majorité des patients vont développer un syndrome de résection antérieur, défini par la présence de symptômes tels que l'incontinence aux gaz ou aux selles, l'impériosité et les urgences défécatoires.

Le syndrome de résection antérieure peut être évalué en utilisant un score spécifique, le Low Anterior Rectal Resection Syndrome Score (LARS). Il contient 5 questions avec un score qui varie de 0 à 42. Un mauvais résultat, dit LARS majeur est défini par un score supérieur à 30. Le détail du score est disponible en cliquant ICI.

Garfinkle et al. viennent de publier un papier dont l’objectif principal a été d'estimer l'impact financier du LARS majeur chez les patients traités pour cancer du rectum.

Méthodologie

C’est une étude de cohorte rétrospective faite au canada entre juillet 2007 à janvier 2018. Pour être éligibles à inclure dans l’étude, les patients devaient avoir comme traitement une proctectomie avec anastomose pour cancer du rectum (de 0 à 15 cm de la marge anale) non métastatique. Le critère de jugement principal a été l'impact financier du LARS majeur, évalué à l'aide d'une version modifiée d'un questionnaire validé visant à mesurer les difficultés financières des survivants du cancer.

Résultats

Sur 327 patients sélectionnés, 147 patients n’ont pas répondu aux appels téléphoniques, puis 26 patients ont refusé de participer a l’étude, au final 154 patients ont été inclus. Environ 1/3 de la cohorte a eu une anastomose colo-anale (34,4 %) et 46,1 % ont reçu une RCC. Un LARS majeur était présent chez 47 patients (30,5%). Les caractéristiques des patients, de la tumeur et du traitement, ainsi que la durée du suivi, étaient par ailleurs similaires entre les patients avec et sans LARS majeur. Les personnes avec LARS majeur avaient une prévalence plus élevée de stress financier (53,2 % contre 5,6 %,p < 0,001 et de contraintes financières (42,2% vs 5,6%, p < 0,001). Les personnes avec une LARS majeur avaient aussi un retard de reprise de travail plus important (44,1 % contre 10,6 %,p < 0,001), des taux de changement d'horaire de travail plus élevées (35,3 % vs. 9,1%, p < 0,001), des taux de changement de rôle au travail plus elevés (20,5% vs 1,5%, p = 0,007) et d'arrêt maladie long (14,7% vs 0%, p = 0,008).

Commentaires

Les résultats de cette étude ont un certain nombre d'implications pour les cliniciens qui s'occupent de patients atteints d'un cancer du rectum. Tout d'abord, tous les cliniciens doivent être conscients des difficultés financières associées au LARS. Les patients doivent également être informés des effets potentiels du LARS sur leur vie, de préférence dès le début du processus de prise de décision S'ils sont pleinement informés des implications du LARS sur leur capacité à retourner au travail et leur avenir financier, peut être que certains patients préfèreraient une stomie definitive [3].

Références

[1] Max W, Rice DP, Sung HY, Michel M, Breuer W, Zhang X. The economic burden of prostate cancer, California, 1998. Cancer. 2002;94:2906–13.
[2] Sharp L, O’Leary E, O’Ceilleachair A, Skally M, Hanly P. Financial impact of colorectal cancer and its consequences: associations between cancer-related financial stress and strain and health-related quality of life. Dis Colon Rectum. 2018;61:27–35
[3] Pieniowski EHA, Palmer GJ, Juul T, Lagergren P, Johar A, Emmertsen KJ, et al. Low anterior resection syndrome and quality of life after sphincter-sparing rectal cancer surgery: a long-term longitudinal follow-up. Dis Colon Rectum. 2019;62:14–20.

Chirurgie, Résultats fonctionnels, Rectum